Evasion : Au fil de l'Eure


Publié le 26 juillet 2018

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Dans l’ombre de la Seine et même de l’Orne, l’Eure est une rivière méconnue, au même titre que les golfs des départements qu’elle traverse. Mais en la suivant, on fait de multiples découvertes : non seulement géographiques, mais aussi golfiques, voire historiques !

L’Eure prend sa source dans l’Orne, dans l’ancienne province historique du Perche. Essentiellement rurale et agricole, la région est la moins densément peuplée de France métropolitaine après la Corse… Cela n’a pas empêché l’installation de quelques golfs dans l’Orne. Surtout des petites structures comme le golf de l’hippodrome d’Alençon, celui de Flers le Houlme et plus récemment le Golf du Bief. Un seul 18 trous : celui de Bellême, capitale du Perche, qui met à contribution les douces collines et les remarquables forêts de hêtres et de chênes séculaires pour proposer un parcours varié dont certains trous sont à jouer en aveugle. Propriété du conseil général, il jouit d’un restaurant, d’une piscine, de son propre hôtel 3* aménagé dans une demeure de charme datant du XVI° siècle et d’une résidence de tourisme pour les longs séjours. « C’est dommage que ce soit aussi loin (deux heures de voiture minimum de Paris, ndlr) car il y a des endroits pleins de charme comme le 9 trous de Bagnoles de l’Orne », affirme Ivan Folliot, président d’honneur de la PGA Normandie. Construit en 1927 en bordure de la station thermale du même nom, au coeur de la forêt domaniale des Andaines, il y faut un bon driving car il est traversé par une rivière souvent en jeu. Le cadre du parc naturel régional et les obstacles d’eau sont aussi de mise au golf du Perche, un peu moins loin de Paris, dans le département un peu plus gâté de l’Eure-et-Loir – quatre clubs de plus de 18 trous ! Le parcours serpente entre pièces d’eau, arbres fruitiers et chênes centenaires chers à l’écrivain Chateaubriand dans un domaine vallonné appartenant à la famille de Philippe de Yturbe. « Avant, il y avait une ferme et des bêtes y pâturaient, confie son fils Charles,  gérant du golf, dans Le Perche. C’est une région qui se prête très bien à l’aménagement d’un golf avec ses pentes et collines. Ici, on est au milieu des champs et des forêts, c’était la volonté qu’avait mon père de ne pas dénaturer la région. » 

LES « PETITES BORDES »
Golf Parc Robert-Hersant
Cette fa mille est également propriétaire du célèbre château Renaissance d’Anet, tout près du Golf Parc Robert-Hersant. Celui-ci procure une vue magnifique sur la vallée de l’Eure et les ruines du château d’Ivry-la-Bataille, forteresse qui devait défendre les frontières du Duché de Normandie,  enjeu stratégique  entre la couronne de France et celle d’Angleterre. La ville doit son nom à la fameuse bataille qui y a été remportée par Henri IV, au cours de laquelle il aurait prononcé une longue harangue résumée ainsi : « Ralliez-vous à mon panache blanc. » Conçu comme un véritable arboretum par le magnat de la presse dont il porte maintenant le nom, le club est aussi digne d’intérêt par son clubhouse récent, mais accueillant, sa table, son hôtel 3* plein de charme et son tracé à l’américaine, parsemé de pièces d’eau et de bunkers. « Mon grand-père a dessiné le parcours sur une table de ping-pong, avec de la pâte à modeler, des bouchons de bouteille et du papier-calque », raconte Éric Hersant, qui dirige aujourd’hui le golf de son aïeul construit avec l’aide du célèbre architecte américain Ronald Fream. Comme il vouait une véritable passion aux arbres, ce qui peut paraître bizarre pour un magnat de la presse, surnommé « le papivore », il en a planté 15 000. Et pas n’importe lesquels, puisque des arbres majestueux comme les séquoias, ginkgo bilobas, tulipiers de Virginie et autres liquidambars, dont certains ont été acheminés par hélicoptère, parsèment les collines et longent certains fairways. « Il a vidé les pépinières d’Europe et ensuite, il est allé en Oregon chercher les séquoias », poursuit Éric Hersant. Même le fait de devoir jouer en voiturette en raison de l’éloignement des 18 trous implantés sur une centaine d’hectares ne gâche pas la partie. Encore moins à l’automne, quand les feuilles prennent de jolies couleurs et que le golf propose des tarifs spéciaux. Éric Hersant raconte même que des gens des Bordes appelaient le Golf Parc « les Petites Bordes », sans doute en référence à la passion de leur créateur, le Baron Bich (des stylos Bic). 

LE BONHEUR PEUT ETRE DANS LE PRE
L’Eure a aidé à créer le splendide décor du golf du Château de Maintenon : le parcours a été tracé par Michel Gayon entre les vestiges de l’aqueduc censé acheminer les eaux de la rivière à destination des fontaines du Château de Versailles – qui selon la volonté de Louis XIV, ne devaient s’arrêter jour et nuit –, les bras de l’Eure et autres pièces d’eau qui constituent ses principales défenses (par 70 de 5 552 mètres seulement). Situé dans la région essentiellement agricole du Thymerais, le golf du Bois d’Ô n’est pas le fruit d’un caprice. Ses 27 trous (plus un compact de 9 trous) ont été construits par un agriculteur, François Evain, sur une centaine d’hectares de son exploitation. La simplicité est de mise, que ce soit à table ou clubs en mains, avec trois parcours aux noms joliment bucoliques (Les Pommiers, Les Genêts, L’Étang…) et abordables, tant techniquement que financièrement. « C’est vrai que le dessin est simple, mais les gens s’y retrouvent. C’était très rustique au début, mais on a progressé chaque année et il y a un rapport qualité/prix encore meilleur qu’avant », explique le fils, Bertrand, qui dirige le golf et enseigne (un peu) aussi. Cela n’a pas empêché une jeune du club, Ivane Helias, d’intégrer le pôle France Espoirs, l’équipe de Saint-Cloud puis celle de l’université de Bellevue dans le Nebraska ! Même si l’on n’y vient plus pour déguster la tête de veau préparée par ses tantes, Bertrand contribue avec son frère Matthieu et sa soeur Marie-Claire à faire régner la bonne humeur et la convivialité au Bois d’Ô. Pas la peine de réserver de départ en semaine. C’est la clé qui a permis au club de dépasser la barre symbolique des 1 000 licenciés en 2012, ce qui n’est pas rien pour un « golf des champs » puisque cela représente la moitié des licenciés du département ! C’était avant que la famille Evain n’aille défricher à Fontenay-sur-Eure (9 trous et pitch & putt du Golf de Chartres), à seulement une trentaine de kilomètres… 


UN VOYAGE DANS LE TEMPS
L’Eure est le dernier département traversé par la rivière du même nom avant de se jeter dans la Seine un peu avant Rouen. Son chef-lieu est Évreux, connu pour sa Cité épiscopale et son site archéologique galloromain (Gisacum). Son golf créé par la municipalité est on ne peut plus ouvert et multiplie les opérations pour attirer de nouveaux golfeurs. Cela ne veut toutefois pas dire que son 18 trous soit inintéressant, bien au contraire (slope de 135 des back tees) ! Le tracé de Jean- Pascal Fourès utilise très bien le relief vallonné du terrain tout en restant agréable, et le fait d’avoir confié sa gestion à NGF (avec le statut de Garden Golf) au début de l’année devrait contribuer à améliorer son entretien. Relativement larges, les fairways sont bordés de hautes herbes donnant au terrain un aspect de links renforcé par le vent souvent présent, et aussi de quelques jeunes pousses et autres pommiers. Après tout, on est en Haute-Normandie… Quelques pièces d’eau et des arbres animent la fin du parcours pour plus de variété. L’ultime trou est d’ailleurs un régal pour les yeux dont on peut continuer de profiter après la partie depuis le club-house de conception moderne qui fait un peu penser à un bateau. En buvant une bolée de cidre ou un verre de Calvados, bien entendu ! Léry-Poses est aussi de ces parcours publics construits dans les années quatre-vingt, mais il n’a pas attendu pour booster son nombre de licenciés grâce au dynamisme de son association sportive (qui gère l’enseignement) et aux travaux consentis pour améliorer son parcours. Les 18 trous tracés par l’Anglais Bill Baker (neuf trous supplémentaires sont en cours de construction) sont agréablement variés, que ce soit dans le décor ou le dessin. Même s’ils entrent rarement en jeu, les arbres plantés complètent agréablement ceux qui étaient déjà là, séparant notamment certains trous mitoyens. Par endroits comme au milieu du fairway du 12, quelques trous d’obus allemands qui visaient le pont voisin donnent un peu de piquant à la partie. Celle-ci est agrémentée par un entretien très correct. Car comme le déclarait Bernard Leroy, le président du syndicat mixte de la base de plein air et de loisirs de Léry-Poses (qui l’a créé) à l’occasion de l’inauguration de son compact de 9 trous, « ce n’est pas parce que ce golf est public qu’il doit être médiocre. Il doit atteindre la même qualité que son voisin privé du Vaudreuil ».

LE VAUDREUIL A RETROUVE TOUT SON LUSTRE
Golf PGA France du Vaudreuil
Difficile cependant de rivaliser avec le plus ancien parcours du département, tant les investissements consentis par Jean- Claude Forestier y ont été importants. Particulièrement plat, le golf PGA France du Vaudreuil a une histoire aussi  mouvementée que le terrain sur lequel il a vu le jour en 1962 : habitée depuis la préhistoire et située sur l’ancienne route royale, la commune du même nom a en effet connu les fastes de différentes cours, mais elle a aussi été délaissée à plusieurs époques et même pillée et saccagée par des envahisseurs (Romains, Barbares, Vikings et  anglais) à d’autres. C’est ce que l’on peut découvrir à la lecture de l’Histoire à Par décrite au fil des notices « historiques » complétant les 18 panneaux de départ et relatant les faits épiques et les personnages aussi célèbres que Dagobert, Guillaume Le Conquérant, Richard Cœur de Lion ou Saint-Louis, qui ont fréquenté les lieux à travers les âges. Le parcours de golf a été créé par le Marquis Marc de La Haye et tracé par l’architecte anglais Fred Hawtree dans les anciens jardins dessinés par Le Nôtre sur l’île l’Homme, ainsi nommée parce qu’elle est entourée par l’Eure et l’un des affluents (la morte-Eure) creusé pour fortifier le château qui s’y trouvait. Malheureusement, le club s’est figé, victime d’un mauvais sortilège. Jusqu’à son rachat, en 2008, par Jean-Claude Forestier, le directeur général du groupe Petit Forestier, leader européen de la location de véhicules frigorifiques. « C’était une  opportunité : la famille du marquis, avec ses neuf héritiers, avait du mal à prendre des décisions d’investissement depuis un certain nombre d’années, explique ce passionné de golf. Le club jouissait d’une belle réputation, d’un parcours bien dessiné, plat, agréable, et d’un club-house extraordinaire avec son immense terrasse et son toit de chaume. Il n’était pas totalement à l’abandon, mais il était un peu fossilisé. Il restait quelques machines en état de marche, mais trois jardiniers seulement. Le greenkeeper, qui était assez malade, s’est rétabli, mais il est parti à la retraite. Il y a donc eu un gros travail à faire » sur un parcours « inland » qui jouissait cependant déjà d’un tracé de qualité faisant la part belle au bocage normand : les nombreux arbres et les maisons aux toits de chaume qui bordent ses fairways en font tout le charme. D’autres efforts ont été consentis sur le reste des installations, l’accueil, un pro-shop digne de ce nom, mais aussi l’enseignement, avec l’académie de petit jeu (la Golf Court Academy dirigée par le Canadien Claude Brousseau) unique en France et plus récemment, le recrutement d’un technicien hors-pair en la personne de Guillaume Biaugeaud. « Avant, il n’y avait pas spécialement de dynamique, commente Ivan Folliot. Le Vaudreuil est devenu remarquable alors qu’il était anodin. » Derniers développements en date : le club vient d’ouvrir un hôtel haut de gamme et de devenir le premier à confier sa gestion à la PGA France, avec laquelle il avait un partenariat qui lui permettait notamment d’utiliser son nom. « Nous avons signé un contrat d’accompagnement, de conseil, pour permettre au golf de continuer à se développer vers du haut de gamme », explique Yves Béchu, le directeur de la PGA France. Et ainsi mettre le Vaudreuil à l’abri des soubresauts propres à l’Histoire pour de bon…
 
L’EURE DE LA TREVE A SONNE
Golf du Champ de Bataille
Malgré son appellation, le golf du Champ de Bataille a échappé aux tumultes du passé. Tracé entre pins, hêtres, bouleaux, mélèzes, chênes, sapins, fougères, bruyères et autres massifs de rhododendrons, le parcours a hérité d’un formidable patrimoine végétal magnifiquement mis à profit par le paysagiste français Thierry Huau, qui a assisté l’architecte américain Robin Nelson. Il partageait celui-ci avec le château voisin du même nom, lequel devrait le sien à une grande bataille du X° siècle qui s’y serait déroulée et aurait permis à la Normandie de conforter son unité. S’il y a du mouvement, c’est dans le terrain : les fortes pentes proposées par les trous signature (2 et 17) n’ont rien à envier aux parcours de montagne. Même si le relief y est moins prononcé, l’émerveillement est le même du 10 au 16, qui offrent un dépaysement total aux joueurs de passage. « Je le range dans les meilleurs de Normandie : le dessin est très réussi, les trous ont chacun une identité et les greens sont bien entretenus », affirme Ivan Folliot. Cela devrait continuer, car même si le club a rejoint le réseau NGF (en tant qu’ExclusivGolf) l’an passé, sa direction s’inscrit dans la continuité. Le gérant, Hervé Prieux, a préféré se recentrer sur sa cuisine raffinée et en a chargé sa proette, Mathilde Saurel. Le golf fait le grand écart entre les peuples, le fait que les repères de distance soient convertis en yards prouvant que l’on ne craint pas l’Anglais, bien au contraire. Belges et Anglais ont représenté 50 % des green fees, à une époque ! D’ailleurs, il n’y a plus que sur les départs que l’on parle de boulets de canon, sur les fairways que l’on échange des coups et aux abords des greens que l’on discute attaques, pièges et défenses. Le gîte qui a vu le jour à quelques centaines de mètres du club-house promet à ses occupants un séjour plus que paisible…

 

Texte de Paul Mahé,
photos Paul Mahé
Extrait du magazine Practice n°20

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