Portrait des pros - Stéphane Mourgue, le pro de votre cerveau


Publié le 1 juillet 2020

Revenir à la liste des actualités

Partagez cette actualité

Ancien joueur de football et de tennis, Stéphane Mourgue est devenu pro après des études scientifiques, et s’est tout naturellement tourné vers la préparation mentale, à une époque où elle n’avait pas forcément bonne réputation en France. Bien installé au domaine de Manville après avoir été entraîneur national pendant une dizaine d’années, il a même créé une nouvelle méthode de perfectionnement qu’il compte développer avec la PGA France.

« Je jouais au football en CFA, au tennis en deuxième série nationale par équipe, et me destinais à être informaticien ou ingénieur en informatique... Mais les aléas de la vie ont fait que je suis devenu pro de golf », raconte Stéphane Mourgue avec son accent chantant. Originaire de Barbentane, au sud d'Avignon, il a effectivement découvert le golf quand il avait 20 ans et peaufiné son swing au moment où le décès de son père l'a forcé à mettre un terme à ses études (BTS informatique et DEUG de mathématiques) pour reprendre l'hôtel familial. « Je suis passé pro comme ça, mais aussi par passion, ajoute-t-il. Vers mes 22 ans ma sœur, qui a cinq ans de moins que moi, a pris place dans l'affaire. Je l'ai accompagnée quelques années avant qu'elle ne prenne les rênes toute seule. » Il enseigne le golf pendant cinq ans à Annonay, jusqu'à ce que le métier de son ex-femme les amène à Paris. Mais vite fasciné par l'aspect mental du jeu, il ne veut déjà plus être enseignant. Lui qui dès les années 1990 a lu Timothy Gallwey (The Inner Game of Golf) et Daniel Goleman (L'Intelligence émotionnelle) suit une formation de sophrologie au CEAS Paris. Il rencontre Frédéric Schmitt, président fondateur de Journal du Golf, et intègre sa structure privée – « Moins 18 » – en tant que coach et préparateur mental. En 2002, c'est le staff de la FFGolf qu'il rejoint à la demande de Benoît Ducoulombier, « en tant qu'entraîneur national et non préparateur mental, car la fédération ne voulait pas. Mais comme tout le monde le savait, au bout de six mois j'ai aussi eu cette casquette-là. » Pendant dix ans, il suit certains joueurs sur les circuits européens juste pour la préparation mentale, d'autres pour la technique et d'autres encore pour les deux. « J'en ai tiré la leçon que le comportement et l'intention priment sur la technique », résume-t-il.
 

Après les voyages, l'exploration intérieure dans son sud natal


Il revient ensuite au bercail, crée sa structure – « Golf en Tête » – et se voit confier par le club de Nîmes-Campagne l'animation sportive, la préparation des équipes, l'encadrement des championnats et l'école de golf. « Nous proposons aux débutants comme aux joueurs confirmés des formules d'enseignement originales qui ne reposent pas uniquement sur l'apprentissage de la technique, mais permettent aussi d'adapter son comportement devant la balle et sur un parcours selon les situations de jeu, expliquait-il alors. On dit souvent que le golf est un sport de tête. La technique est un atout, mais elle peut se révéler insuffisante dans les conditions de pression d'une compétition... ». Il continue de s'intéresser à de nouvelles pistes d'amélioration et suit une nouvelle formation - ActionTypes, une approche d'individualisation de la performance basée sur les préférences motrices et cognitives des individus créée par Ralph Hippolyte, ancien athlète (lancer du poids et volley-ball), entraîneur de volley-ball et enseignant en méthodologie de l'entraînement à l'INSEP, et Bertrand Théraulaz, qui forme des entraîneurs au brevet fédéral au sein de la fédération olympique suisse.

Le petit jeu avant tout


En 2014, il s'installe au domaine de Manville, dans les Bouches-du-Rhône. En raison de la taille du practice et du petit nombre de chambres, mais aussi de son approche, il y propose davantage des parcours accompagnés et des stages, plutôt que des cours classiques d'une demi-heure ou une heure. L'équipe de trois pros y enseigne à des joueurs âgés de 7 à 77 ans, du débutant au champion en herbe. « Nous espérons avoir un practice plus grand sur un terrain proche, mais pour moi c'est presque une force de ne pas en avoir un dans la mesure où dans le golf, tout se passe au petit jeu. Pourquoi les champions tapent le plus fort possible ? Parce qu'ils savent qu'ils peuvent faire de meilleurs coups avec des petits fers et des wedges », explique-t-il. Pour lui, c'est symptomatique de l'approche trop figée de l'enseignement du golf en France. « Toucher des fairways et des greens, ce n'est pas ça le sport de haut niveau, estime-t-il. Tous les grands champions essaient de trouver des lignes plus courtes pour arriver à la cible, quitte à se retrouver dans des obstacles et devoir s'en sortir. Nous, on essaie d'éviter de se mettre dedans, donc dès que ça arrive – et ça arrive à tout le monde – on n'a pas de ressources, d'options, de plan B. Pour un champion, il y a toujours une solution. Il n'y a pas de pas de raison que les Italiens, Allemands, Autrichiens, Belges, etc., aient de meilleurs résultats que nous, de ne pas donner nous aussi aux joueurs la possibilité de trouver des solutions. On est trop fermés, mais j'espère que les choses vont changer. ». S'il se contente des installations actuelles, c'est aussi parce qu'il dispose d'un parcours, de greens d'entraînement et d'un studio à la pointe de la technologie : vidéo, plaques de force et FlightScope (launch monitor). « C'est un ingrédient important parce que si on n'a que la parole et la vidéo, les gens sont sceptiques. Il faut quand même du pragmatisme, et le FlightScope dit ce qu'il en est de la trajectoire, de la technique », poursuit-il.

 

Une nouvelle méthode portant sur le comportement


Pour avoir la même certitude mentalement, il y a maintenant « Les Couleurs de votre golf », méthode partenaire officielle de la PGA France avec laquelle il va développer des formations. Il l'a créée suite à une formation à la méthode 4Colors, née voici dix ans et basée sur les travaux de Carl Jung et William Marston. Celle-ci permet, à partir d'un simple questionnaire, d'établir un profil personnalisé et de mieux améliorer les compétences comportementales. « 4Colors a une incidence énorme parce que dans certaines entreprises, il n'y a pas de recrutement avant que les candidats soient passés à la moulinette de ces tests-là, précise-t-il. C'est au moins aussi pragmatique que le launch monitor, car ça dit comment on se comporte et on appréhende les évènements, le stress. » En apportant à l'élève une meilleure connaissance de lui-même, cela lui permet de valoriser ses points forts et travailler sur ses axes de progrès pour mieux dépasser ses faiblesses. « Cela résume comment on traite l'information, ce qui nous nourrit et si on a besoin de créativité (profil jaune), d'action (rouge), de ressenti (vert) ou de compréhension (bleu). En fonction de son profil, on sait de quoi on a besoin pour travailler et aller sur le parcours. Si on n'est pas en adéquation avec sa couleur, on intègre moins vite et moins bien tous les réglages techniques et stratégiques. » Il faut par exemple bien expliquer le travail technique entrepris aux personnes ayant un profil bleu, car sinon ça leur met la pression et ça les met carrément en danger. « Si on leur demande d'être créatifs, ça va les agacer parce qu'ils ne savent pas sur quoi s'appuyer. À l'inverse, les rouges sont plus dans l'action, ils vont progresser par rapport au résultat, bon ou mauvais, et en tirer des infos pour modifier leur technique en conséquence. Si on leur explique tous les détails, où mettre le club, par contre, on les perd tout de suite. Si on leur demande de répéter un exercice, on peut même les blesser... »

Un livre sur le mental pour accompagner son fils vers le haut niveau


Pour Stéphane Mourgue, en France on est trop psychorigide, carré – bleu, quoi. « Les Couleurs de votre golf, c'est pour dire que chaque joueur est différent. Essayons véritablement de les faire penser différemment », affirme-t-il. Car il déplore les résultats des joueurs français, et trouve qu'on les enferme dans un jeu qui n'est pas en adéquation avec la réalité de celui pratiqué au plus haut niveau : « Les trois quarts des coaches disent qu'il faut faire du mental, mais on impose aux joueurs des heures de répétition, ce qui est hors sujet. On leur fait passer des heures au practice où tout est cadré, alors que sur le parcours rien ne l'est... ».

Véritable touche-à-tout, il est parti du constat que les grands sportifs ont tous en commun d'avoir une grande force mentale qui les aide à dépasser leurs limites, à mieux tolérer les excès comme la fatigue et la douleur, et à gérer les imprévus lors des grands évènements. Il a même consacré au mental un petit livre intitulé « Vers les sommets et au-delà », écrit comme un dialogue avec son fils qui est stagiaire pro en rugby à XIII et joue en équipe de France. Il y présente des certitudes dégagées par des sportifs de haut niveau au travers d'exemples dans différentes disciplines, et notamment de football. « Si on les presse, les joueurs sont désorganisés », expliquait-il avant le début de la Coupe du monde, comme pour prédire le succès des Bleus… Mais peu importe sa couleur, l'important c'est surtout de la connaître.
 

 

Texte de Paul Mahé - Photos D. R. - Practice n°27


Images